TERMES DE REFERENCE DU FORUM DE POTAL ƊEMƊE NGENNDIIJE

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Selon les dernières estimations de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), en 2023, le Sénégal compte 18 032 473 habitants, dont 8 900 614 femmes (49,4%) et 9 131 859 hommes (50,6%) vivant sur une superficie de 196.172 km². Le nombre d’ethnies-communautés n’a pas été publié comme cela avait été le cas en 2013.

Les chiffres concernant la composition « ethnique » de la population sénégalaise se font attendre ; des associations de langues nationales exigeant plus de scientificité dans le recueil des informations concernant les diverses communautés linguistiques et culturelles du pays. Toujours est-il que les populations s’en tiennent aux six premières langues nationales codifiées que sont le diola, le malinké, le pulaar, le sérère, le soninké et le wolof. 

Car, à côté, existent plusieurs autres langues à usages plus localisés dont la disparition semble, au demeurant, programmée, au vu de l’évolution du traitement des langues au Sénégal. En effet, cette riche diversité est malheureusement mise à mal par les politiques et pratiques marginalisant toutes les autres langues nationales, excepté le wolof.

La SIL a recensé 37 langues africaines qui sont parlées au Sénégal, même si on ne connaît pas avec exactitude le nombre de personnes qui les parlent. En plus du français qui est la langue officielle, 21 langues sont officiellement reconnues comme langues nationales car codifiées par la DALN, dont 6 servent de langues véhiculaires, notamment le diola, le malinké, le pulaar, le sérère, le soninké et le wolof.

La double problématique Langues/Culture est au cœur des réflexions identitaires des communautés dites minoritaires du Sénégal, tellement celles-ci restent écartées de la dynamique des langues nationales tant dans l’espace public que dans l’enseignement et les médias. 

En effet, s’il est admis que l’Etat du Sénégal « appuie les initiatives permettant de maintenir les langues nationales en Afrique (…) par l’alphabétisation de ces populations dans leur langue maternelle », il reste que la réalité actuelle de la nouvelle politique d’éducation bilingue du Ministère de l’Education, le Modèle Harmonisé d’Enseignement Bilingue au Sénégal (MOHEBS) et, spécifiquement le Programme National de Lecture à l’Elémentaire (PNLE) posent problème, car du point de vue officiel, c’est la langue française qui est langue d’enseignement dans le système formel et dans les médias écrits.

Mais, qu’en est-il des critères de choix des langues d’enseignement ? Quel avenir pour les langues nationales quand on invente à la place « la langue du milieu», terme porteur de danger ou de rejets des modèles d’enseignement ?

Les médias du Sénégal ont inventé leurs propres codes de conduite fondés sur une langue portée au sommet de la pyramide linguistique sans concertation, sans consultation ni dialogues préalables, et le monstre qui en est sorti est une langue imposée, les autres langues piétinées, dévalorisées.

Cette situation qui en révolte plus d’un, jusques et y compris chez certains locuteurs de la langue imposée,  se vit quotidiennement dans les radios et chaines de télévision où ladite langue représente plus de 99 % des temps d’antenne pour les radios publiques et privées commerciales.

Les rares qui se rappellent qu’elles sont quand même astreintes aux normes du service public, consacrent une émission hebdomadaire généralement dédiée au folklore ; une émission qu’on pourrait donc qualifier de simple faire-valoir.

Les textes et règlements régissant les médias sont foulés au pied, car même les radios de proximité que sont les radios communautaires qui, par définition, sont les gardiens du temple des langues et cultures locales dont elles ont le devoir de favoriser la survie, se mettent à servir des informations aux antipodes de la réalité locale : plus de musique venant de territoires autres que la localité d’implantation de la radio.

Cette situation confère une place privilégiée à la langue imposée dans des communautés qui ne la pratiquent pas, mais finissent par croire, par ce biais, qu’elles sont obligées de l’apprendre, ce, en violation flagrante des règles de la déontologie exigeant que le « journaliste » donne à l’interviewer la latitude de s’exprimer dans la langue de son choix.

Ces quelques remarques générales suffisent à prouver la disparition programmée des cultures sénégalaises « minorisées », car on pousse le bouchon jusqu’à obliger les gens à narrer leurs histoires dans la langue imposée !

Que dire des sketches dévalorisants, car traitant d’une prétendue ruralité des locuteurs des autres langues, tenter de faire croire et admettre que ce qui est wolof est bon et mauvais tout ce qui ne l’est pas ? Et toutes les communautés linguistiques en prennent pour leurs grades, du diola au soninké, en passant par le malinké, le pulaar et le sérère.

Que dire de la surexposition, devenue banale, des enfants à des images ne valorisant que les éléments de la culture imposée au détriment des leurs ?

Le pire du pire, est qu’avec le développement des nouvelles technologies et la pluralité des réseaux sociaux, on assiste à une profusion de posts et de commentaires émanant de toutes les communautés de ce pays, qui se fustigent les unes les autres, sans intervention des autorités de régulation administratives ou religieuses du pays.

Ces pratiques mettent en danger le fragile équilibre social et le vivre-ensemble dans lequel le Sénégal a vécu jusqu’à un certain temps, après son accession à la souveraineté internationale.

En outre, cette situation nous semble aux antipodes des dispositions de notre Constitution, des lois et règlements de notre pays et des orientations contenues dans les politiques du Ministère de  l’Education nationale, du Ministère de la Culture et du Patrimoine historique, et du Ministère de la Communication, des Télécommunications et de l’Economie numérique.

Or, le Sénégal a validé les Conclusions de la 33ème Session de l’UNESCO, issues de la Rencontre tenue à Paris, du 03 au 21 octobre 2005.

Ces conclusions-références considèrent, rappellent, reconnaissent, soulignent et constatent,  entre autres, que :

  • la diversité culturelle s’épanouit dans un cadre de démocratie, de tolérance, de justice sociale et de respect mutuel entre les peuples et les cultures, et est indispensable à la paix et à la sécurité aux plans local, national et international ;
  • la diversité culturelle crée un monde riche et varié qui élargit les choix possibles, nourrit les capacités et les valeurs humaines, et donc un ressort fondamental du développement durable des communautés, des peuples et des nations ;
  • il est nécessaire de prendre des mesures pour protéger la diversité des expressions culturelles, y compris (…) leurs contenus, en particulier dans les situations où les expressions culturelles peuvent être menacées d’extinction ou de graves altérations ;
  • l’importance de la culture est fondamentale pour la cohésion sociale en général, et en particulier sa contribution à l’amélioration du statut et du rôle des femmes dans la société ;
  • la diversité culturelle est renforcée par la libre circulation des idées, et elle se nourrit d’échanges constants et d’interactions entre les cultures ;
  • la liberté de pensée, d’expression et d’information, ainsi que la diversité des médias, permettent l’épanouissement des expressions culturelles au sein des sociétés ;
  • la diversité des expressions culturelles, y compris de celles culturelles traditionnelles, est un facteur important qui permet aux individus et aux peuples d’exprimer et de partager avec d’autres leurs idées et leurs valeurs ;
  • la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle, et réaffirme le rôle fondamental que joue l’éducation dans la protection et la promotion des expressions culturelles ;
  • l’importance de la vitalité des cultures pour tous n’est plus à démontrer, y compris pour les personnes appartenant aux minorités et pour les peuples autochtones, telle qu’elle se manifeste par leur liberté de créer, diffuser et distribuer leurs expressions culturelles traditionnelles et d’y avoir accès de manière à favoriser leur propre développement ;
  • est indéniable le rôle essentiel de l’interaction et de la créativité culturelle qui nourrissent et renouvellent les expressions culturelles, et renforcent le rôle de ceux qui œuvrent au développement de la culture pour le progrès de la société dans son ensemble.

En plus de ces dispositions contenues dans une Convention ratifiée par le Sénégal, notre Constitution du 22 janvier 2001 liste les langues nationales alors codifiées ce, dans l’ordre alphabétique, comme pour rappeler qu’aucune de ces langues n’est supérieure à l’une quelconque des autres, et qu’elles sont donc, toutes, d’égale dignité.

A notre avis, ici, la question se pose plus en termes d’uniformisation que le Sénégal a combattue dans toutes les sphères internationales dédiées, qu’en termes de diversification, source de richesse et de cohésion sociale.

A côté de l’Etat, des Associations se sont également attelées à la tâche de promotion des langues nationales, comme l’Union nationale des Associations de Langues (UNAL), l’Union des Ecrivains sénégalais en Langues nationales (UESLAN) ou la Coordination nationale des Opérateurs en Alphabétisation du Sénégal (CNOAS).

Voilà pourquoi, l’Association Potal Ɗemɗe Ngenndiije (Pour une Equité véritable dans les Politiques de Promotion des Langues nationales africaines), conformément à l’objet de sa création, organise, avec la participation d’autres Associations de langues du pays, un Forum portant sur le thème « Langues africaines, identité culturelle et vivre-ensemble » dans ce contexte de mondialisation où les valeurs se perdent et les organisations se déstructurent sous les coups de boutoir d’une uniformisation porteuse de disparition de peuples et de cultures qui ont longtemps inspiré le monde.

L’Association Potal Ɗemɗe Ngenndiije envisage donc de mobiliser et de regrouper, dans la Commune de Ourossogui (Région de Matam), les 20 et 21 Janvier 2024, les différents acteurs et militants des langues, afin de recueillir leurs sentiments et attentes respectifs et d’en discuter pour un devenir plus radieux de la Nation sénégalaise.

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mar Août 6 , 2024